This review may contain spoilers
Naître avec un vagin, c'est vraiment la daube
Après une période de pause de plusieurs mois dans les dramas, j'ai décidé de reprendre en douceur par le gentillet "General's Lady". Et crac me voilà aussitôt en manque, comme toute addict qui se respecte il suffit d'une petite bouchée pour en vouloir davantage et je me suis mise en quête d'un historique chinois un peu plus conséquent histoire d'avoir ma dose de costumes flamboyants, de relations codifiées à l'extrême, de décors somptueux et de complots diaboliques. MyDramaList me mettant sans arrêt sous les yeux la suggestion de "The Sword and the Brocade", un drama bien noté ET qui finit bien (2 conditions essentielles à mon visionnage), je me suis lancée. Et j'ai trouvé ça vachement chouette, tellement même, que j'ai commencé à regarder le vendredi midi et que je l'ai terminé le dimanche soir malgré ses 45 épisodes (oui, j'avoue, ce week-end là je n'ai fait quasiment que ça, à part prendre ma douche et boucler quelques courses en 4ème vitesse pour voir la suite).
Résumé de l'histoire : l'héroïne est (comme d'hab) la fille d'une concubine de seconde zone et d'un père transparent et lâche qui laisse à sa méchante épouse légitime (comme d'hab) le soin de gérer le foyer avec sévérité, forcée (comme d'hab) à un mariage dont elle ne veut pas avec un mec froid et strict (comme d'hab) qu'elle ne connaît presque pas, et flanquée d'une peste de soeur (comme d'hab) dont le seul but dans l'existence semble être de lui mener la vie dure. Seulement le héros est déjà marié, et il a également quelques concubines (toutes plus evil bitches les unes que les autres, comme d'hab). Notre héroïne se retrouve donc à surnager dans un bassin rempli de requins, doit sans cesse marcher sur des oeufs, déjouer les complots ourdis contre elle (comme d'hab) avec le soutien de ses servantes toutes dévouées et prêtes à se sacrifier pour elle (comme d'hab), tout en prenant soin de ne pas mettre en colère sa puissante belle-mère qui se croit intelligente et se fait bien sûr manipuler par l'apparente docilité de ses méchantes belles-filles (comme d'hab). De son côté le héros a un poste important à la cour de l'empereur et doit lui aussi contrer les attaques rusées de ses vils ennemis qui ne reculent devant aucune bassesse pour le décrédibiliser (comme d'hab). Bon jusque-là tout va bien, on est en terrain connu.
Et pourtant, malgré ces clichés déjà vus dans de nombreux historiques chinois, j'ai passé un excellent moment, tout simplement parce que l'histoire était très bien menée, très rythmée, et capable de nous accrocher par ses nombreux rebondissements (pas très originaux mais qui nous donnent néanmoins l'envie d'enchaîner sur la suite). D'autre part, j'ai trouvé qu'il y avait un message fort dans cette intrigue, à la fois sur la condition déplorable des femmes à l'époque, et sur les conséquences des règles ancestrales (tant politiques que sociétales) inadaptées, menant inévitablement à des fonctionnements malsains, parfois meurtriers, et qui ne peuvent conduire qu'au malheur de ceux conditionnés à les respecter au prétexte de l'honneur, de la respectabilité ou d'alliances politiques et/ou familiales établies par les aînés. Presque tous les personnages, aussi riches soient-ils, sont montrés comme prisonniers d'un système et de codes liberticides dans lequels, quand le collectif prime sur l'individu, le bonheur n'a pas sa place. Et les plus grandes victimes de ce système sont les femmes, programmées pour se sacrifier pour les autres, parents, beaux-parents, époux et enfants, et vendues telles du bétail sans avoir voix au chapitre, et à qui on pousse le vice de demander d'être satisfaites de leur condition. Alors je ne suis pas spécialiste des dramas chinois, et j'ai une connaissance assez pauvre de la culture asiatique, mais pour un œil occidental comme le mien, c'est le sentiment qui en est ressorti, et je n'ai pas eu l'impression que le message était autre ou que j'avais mal compris. Je ne serai pas hypocrite en disant que ça craint d'être née en Asie à cette époque, parce que c'était (et c'est encore, à des degrés divers) la même chose partout dans le monde, à quelques variantes près (ici on interdit de passer le permis de conduire et d'aller à l'école, là on pratique les excisions, même en occident on continue à violer en toute impunité et les coupables s'en sortent quand même vachement bien...) donc non, le problème n'est toujours pas réglé même si les consciences commencent - vaguement - à s'éveiller et que ça évolue à certains endroits de la planète (c'est loin d'être suffisant, mais c'est déjà ça). Bref.
Outre le fait que la série est claire sur le sujet et ne cherche pas à nous pipeauter avec de jolies couleurs et du romantisme pour faire passer une pilule amère, de nombreuses choses m'ont beaucoup plu dans cette histoire. Déjà, l'héroïne est bien sympathique. Elle est consciente de sa condition, sait qu'elle doit la jouer profil bas, semble servile et bien élevée, mais elle a ses propres convictions, ses motivations et ses centres d'intérêt (dont la broderie, son seul espace de liberté). Forcée à un mariage dont elle ne veut pas pour remplacer sa sœur qui vient de mourir, placée dans la position de pion par sa famille qui ne veut pas perdre son avantage au sein de la demeure de son futur époux (il faut qu'elle maintienne l'alliance entre les deux familles et protège les intérêts de son neveu, dont la place et l'héritage sont menacés par les concubines qui subissent elles aussi la pression de leurs propres familles), elle tente tout d'abord de fuir ce mariage, ce qui est déjà très courageux. Hélas sa mère est mystérieusement assassinée au moment où elle souhaite mettre son projet à exécution. Comme elle soupçonne la maisonnée de son futur époux, accepter ce mariage semble être la bonne solution pour s'introduire dans cette famille et mener son enquête. Elle ne cherche pas à se faire remarquer, bien qu'occupant la position d'épouse légitime elle ne tient pas à gérer les questions domestiques alors que c'est traditionnellement le rôle qui lui revient, car plus on lui fout la paix, plus elle peut fouiner et recueillir des indices. C'est justement parce qu'elle fait sa life de son côté et se démarque des autres concubines (et de sa défunte épouse) envers lesquelles il a toujours été indifférent, que le héros commence à s'intéresser à elle. A côté de ça, elle fait preuve de jugeotte, sait rapidement analyser une situation et les pièges qui lui sont tendus, parce que c'est une question de survie et que sa condition de fille illégitime l'y a déjà préparée dans sa propre famille. Si elle veut éviter les vagues et se montre relativement respectueuse, elle garde son indépendance d'esprit et ce n'est pas parce qu'elle finit par tomber amoureuse du héros qu'elle va faire des concessions à sa liberté pour lui plaire. C'est vraiment appréciable, pas une seule fois elle ne m'a énervée ou bien je me suis dit qu'elle aurait mieux fait d'agir autrement. Elle n'a tout simplement pas le choix dans certaines situations, et elle tire assez bien son épingle du jeu (ça tombe bien, la broderie c'est son domaine).
Je ne m'étendrai pas sur l'histoire d'amour, moi qui suis très romantique eh bien là, pour le coup, je m'en fiche un peu. Elle est sympa, c'est un ajout agréable à l'histoire et à la base, c'est la raison initiale pour laquelle j'ai regardé ce drama, je suis contente qu'ils soient heureux et tout et tout à la fin (d'autant que les scénaristes savent nous la construire à un rythme relativement lent, logique, et nous montrer l'importance de se faire confiance dans un couple) mais en définitive je me rends compte que ce n'est pas ce qui m'a le plus intéressée, et je me surprends moi-même au moment où je l'écris. Là où je suis encore plus surprise, c'est d'avoir apprécié une histoire où le héros a déjà plusieurs femmes (et un enfant avec l'une d'elles, en plus de son fils légitime). Déjà il n'a pas eu le choix, il s'agit d'alliances politiques ou commerciales, et heureusement le scénario nous le montre assez indifférent à toutes ces manigances, ce qui permet de mettre en place la romance avec l'héroïne sans trop nous mettre mal à l'aise. Bien sûr, au début il peut nous paraître antipathique justement parce que son indifférence peut avoir de graves conséquences pour elles, qui dépendent entièrement de lui pour se frayer une place dans cette maisonnée hostile, et pour lesquelles une miette de son intérêt a une importance cruciale pour leur pouvoir et les rares avantages qu'elles peuvent en tirer (un peu plus de confort, de récompenses de la part de leurs familles si celles-ci sont satisfaites, un meilleur statut au sein de la maison...). Tout cela est très bien montré, et ce que j'ai trouvé appréciable, c'est qu'au contact de l'héroïne (et après avoir vu combien cela pouvait conduire à des situations aussi dramatiques que malsaines), il finit lui-même par s'en rendre compte. Evidemment on se doute bien qu'une partie conséquente des concubines finit par disparaître du paysage comme dans les "Dix petits nègres", sinon la romance principale n'aurait pas le même goût, mais le fait qu'il propose à celle qui reste la possibilité de faire ses propres choix est déjà symbolique.
Au final, la situation desdites concubines est ce qui m'a le plus intéressée, parce que j'ai trouvé qu'ils avaient traité le sujet de manière juste. L'une d'elles est évidemment plus evil bitch que les autres, c'est celle qui pose le plus de problèmes à l'héroïne au cours de l'histoire, mais du début à la fin, même si j'avais très envie qu'elle périsse dans d'atroces souffrances, je ne pouvais m'empêcher d'avoir énormément de compassion pour elle. A aucun moment je n'ai senti que les scénaristes avaient bâclé son personnage. Dès l'instant où elle apparaît, on comprend qu'elle est, elle aussi, victime d'une société qui n'a aucune pitié envers les femmes. C'est une adolescente éperdument amoureuse, qui certes, n'a cessé de faire de mauvais choix, mais honnêtement, que peut-on attendre d'une jeune fille à qui on a appris dès la naissance que le mariage était le but ultime de son existence et qui, par sa condition bien née, aurait dû devenir l'épouse de l'amour de sa vie ? A cause des cruels calculs de la sœur de l'héroïne, qui destine cette dernière à la remplacer après sa mort, cette gamine se retrouve simple concubine et humiliée dès son arrivée. Alors oui, comme je l'ai dit plus haut, certains de ses agissements sont très discutables et contrairement à l'héroïne, elle n'a pas eu l'intelligence de faire les bons choix. En même temps, si les coups bas sont la condition nécessaire à la survie et qu'on place les jeunes filles en situation de compétition dès leur arrivée dans ce bas-monde, faut pas venir se plaindre après qu'elles ne soient pas aussi pures et dociles qu'on le voudrait.
Et ça m'amène à rebondir sur le personnage de la belle-mère qui, à mon sens, n'était pas aussi bien rendu qu'il aurait pu l'être. C'est un peu le seul bémol que je soulignerai, je n'ai pas bien compris pourquoi les scénaristes l'avaient montrée aussi... disons stupide ? Elle n'est pas née de la dernière pluie, elle occupe une position puissante qui plus est, en tant que matriarche à la tête d'une famille composée de nombreuses femmes on va dire que depuis le temps, elle connaît la vie, et je ne comprends pas pourquoi elle s'imagine encore que les concubines peuvent / doivent être douces, obéissantes et dévouées aux autres comme si c'était naturel (ni qu'elle soit aussi déçue en se rendant compte de ses erreurs). Qu'un homme puisse se "laisser avoir" parce que cet aveuglement, volontaire ou non, est trèèès confortable, à la rigueur, ça passe, mais elle est elle-même née femme, elle sait ce que c'est que de devoir naviguer dans ce monde qui n'est pas fait pour son sexe (et elle a sans doute dû mettre de côté pas mal d'aspirations dans sa jeunesse elle aussi), et j'ai du mal à croire qu'elle se soit laissée abuser comme ça, surtout qu'elle est relativement fine sur d'autres questions liées aux relations de pouvoir. Après, il est vrai que son personnage sert à appuyer le propos de l'histoire, en ouvrant enfin les yeux sur les dommages qui découlent des traditions rigides et de ces mariages imposés (et sert aussi à valoriser le héros, quand il s'impose enfin face à elle en refusant tout net de prendre une nouvelle concubine). Bref, son personnage n'était pas tout à fait crédible mais on va dire que son attitude rigide a aussi son utilité dans la progression de l'intrigue, donc ce n'est pas bien grave. Alors bien sûr, on pourrait arguer que les hommes aussi se retrouvent coincés par le poids de ces traditions, mais étant donné que ce sont eux qui ont mis en place ces règles et qu'ils ne sont pas les plus désavantagés (ne serait-ce que parce qu'eux, au moins, ils ont la chance de pouvoir aller et venir à leur guise, et qu'ils ont des meufs à foison à leur service et dans leur lit), je préfère réserver ma compassion aux plus mal loties.
Pour finir sur la condition des femmes, le cas d'une autre sœur de l'héroïne, mariée à un homme violent, permet de montrer un autre aspect des difficultés auxquelles elles sont confrontées. Bien sûr ce n'est pas la première fois que cette situation nous est présentée dans un drama chinois, loin de là, mais c'était intéressant de continuer son intrigue sur le choix qu'elle doit faire après le décès de son époux : adopter un enfant qui n'est pas le sien, ou perdre son influence au sein de la famille de son mari. En somme, même quand certaines ont la chance de se retrouver veuves, leur vie n'en est pas plus simple pour autant... Quant au conflit qui oppose l'épouse légitime du père de l'héroïne et une concubine (encore une), il nous démontre de manière cruelle que peu importe la situation, le statut ou le pouvoir qu'une femme exerce au sein de la maisonnée, aucune n'en sort gagnante. Finalement, celle qui s'en sort le mieux, c'est la professeure de broderie qui a eu le bon sens de ne jamais se marier !
Enfin, ce qui m'a également semblé appréciable, c'est que les intrigues de cour auxquelles le héros doit faire face sont relativement limitées : il y a un trio de grands méchants facilement indentifiables (le père, son fils et sa belle-fille), et tout tourne autour du conflit entre la famille du héros et celle de l'ennemi, ainsi que de l'abolition ou non d'une loi ancestrale concernant une interdiction maritime ayant des conséquences sur le piratage et les conditions de vie des populations côtières durant la dynastie Ming. Cet unique fil conducteur aux questions politiques fait qu'on n'est pas perdu, on ne passe pas des heures à se demander qui soutient qui et qui manigance quoi dans quel but, le nombre de conseillers qui discutent entre eux est restreint, à tel point qu'on ne verra jamais la figure de l'empereur, qui n'est finalement pas très important dans l'histoire sauf pour le pouvoir qu'il représente.
Ah si, j'oubliais, il y a quand même un autre point qui m'a (légèrement) agacée : pourquoi faut-il toujours qu'à un moment crucial où un perso se fait injustement accuser, celui-ci soit incapable de se dépêcher de balancer la phrase qui pourrait tout arranger et qui prend à peine 5 secondes à prononcer très vite, alors même que l'accusateur lui laisse largement le temps de s'expliquer avant de répondre "tais-toi, je ne veux pas entendre tes explications !". C'est dingue, on nous refait le coup à chaque fois, et ça dure, et on se dit que là ça y est, l'accusé va pouvoir se justifier, et rebelote, on lui laisse encore du temps, et paf ! un nouveau silence inutile... Du coup ça prend encore un épisode pour rien avant que la situation se règle, alors oui je sais que ça permet de faire durer le suspense et de mettre en place d'autres éléments qui font avancer l'intrigue, mais bon c'est rageant quoi... Mais sinon, on va dire que tout le reste de la série rattrape ce moment frustrant. Je suis partiale, j'assume.
En conclusion, c'est une histoire que j'ai vraiment aimée, qui brosse un portrait relativement juste de la condition des femmes et des ravages causés par le maintien de certains codes ou de traditions qui ne sont pas toujours adaptées et certainement pas propices au bonheur, doublée de deux romances plutôt sympathiques (oui parce qu'une des servantes de l'héroïne - comme d'hab - se prend d'affection pour le second du héros, c'est peut-être convenu mais toujours agréable). Les coups bas et les complots sont légions, toutefois ils s'enchaînent à un rythme qui ne nous laisse pas le temps de nous ennuyer. Alors pour être tout à fait honnête, si l'actrice principale incarne un personnage courageux, indépendant et attachant, qui ne m'a jamais fait grincer des dents, en revanche Wallace Chung était quand même plus charismatique dans "General and I" (bon à sa décharge son rôle était un peu fade, la faute aux scénaristes ? C'est peut-être pour ça que leur romance ne m'a pas fait vibrer plus que ça...). Au final, ce drama ne se distingue pas forcément d'un autre par son originalité, parce que de nombreux éléments de l'intrigue sont loin d'être nouveaux pour les habitués des historiques chinois, mais son point fort à mes yeux repose surtout sur la manière dont le sujet a été traité. Et si on cherche une histoire pleine de couleurs qui nous dépayse le temps d'une quarantaine d'épisodes, autant opter pour celle-ci, elle a le mérite d'être intelligemment construite.
Résumé de l'histoire : l'héroïne est (comme d'hab) la fille d'une concubine de seconde zone et d'un père transparent et lâche qui laisse à sa méchante épouse légitime (comme d'hab) le soin de gérer le foyer avec sévérité, forcée (comme d'hab) à un mariage dont elle ne veut pas avec un mec froid et strict (comme d'hab) qu'elle ne connaît presque pas, et flanquée d'une peste de soeur (comme d'hab) dont le seul but dans l'existence semble être de lui mener la vie dure. Seulement le héros est déjà marié, et il a également quelques concubines (toutes plus evil bitches les unes que les autres, comme d'hab). Notre héroïne se retrouve donc à surnager dans un bassin rempli de requins, doit sans cesse marcher sur des oeufs, déjouer les complots ourdis contre elle (comme d'hab) avec le soutien de ses servantes toutes dévouées et prêtes à se sacrifier pour elle (comme d'hab), tout en prenant soin de ne pas mettre en colère sa puissante belle-mère qui se croit intelligente et se fait bien sûr manipuler par l'apparente docilité de ses méchantes belles-filles (comme d'hab). De son côté le héros a un poste important à la cour de l'empereur et doit lui aussi contrer les attaques rusées de ses vils ennemis qui ne reculent devant aucune bassesse pour le décrédibiliser (comme d'hab). Bon jusque-là tout va bien, on est en terrain connu.
Et pourtant, malgré ces clichés déjà vus dans de nombreux historiques chinois, j'ai passé un excellent moment, tout simplement parce que l'histoire était très bien menée, très rythmée, et capable de nous accrocher par ses nombreux rebondissements (pas très originaux mais qui nous donnent néanmoins l'envie d'enchaîner sur la suite). D'autre part, j'ai trouvé qu'il y avait un message fort dans cette intrigue, à la fois sur la condition déplorable des femmes à l'époque, et sur les conséquences des règles ancestrales (tant politiques que sociétales) inadaptées, menant inévitablement à des fonctionnements malsains, parfois meurtriers, et qui ne peuvent conduire qu'au malheur de ceux conditionnés à les respecter au prétexte de l'honneur, de la respectabilité ou d'alliances politiques et/ou familiales établies par les aînés. Presque tous les personnages, aussi riches soient-ils, sont montrés comme prisonniers d'un système et de codes liberticides dans lequels, quand le collectif prime sur l'individu, le bonheur n'a pas sa place. Et les plus grandes victimes de ce système sont les femmes, programmées pour se sacrifier pour les autres, parents, beaux-parents, époux et enfants, et vendues telles du bétail sans avoir voix au chapitre, et à qui on pousse le vice de demander d'être satisfaites de leur condition. Alors je ne suis pas spécialiste des dramas chinois, et j'ai une connaissance assez pauvre de la culture asiatique, mais pour un œil occidental comme le mien, c'est le sentiment qui en est ressorti, et je n'ai pas eu l'impression que le message était autre ou que j'avais mal compris. Je ne serai pas hypocrite en disant que ça craint d'être née en Asie à cette époque, parce que c'était (et c'est encore, à des degrés divers) la même chose partout dans le monde, à quelques variantes près (ici on interdit de passer le permis de conduire et d'aller à l'école, là on pratique les excisions, même en occident on continue à violer en toute impunité et les coupables s'en sortent quand même vachement bien...) donc non, le problème n'est toujours pas réglé même si les consciences commencent - vaguement - à s'éveiller et que ça évolue à certains endroits de la planète (c'est loin d'être suffisant, mais c'est déjà ça). Bref.
Outre le fait que la série est claire sur le sujet et ne cherche pas à nous pipeauter avec de jolies couleurs et du romantisme pour faire passer une pilule amère, de nombreuses choses m'ont beaucoup plu dans cette histoire. Déjà, l'héroïne est bien sympathique. Elle est consciente de sa condition, sait qu'elle doit la jouer profil bas, semble servile et bien élevée, mais elle a ses propres convictions, ses motivations et ses centres d'intérêt (dont la broderie, son seul espace de liberté). Forcée à un mariage dont elle ne veut pas pour remplacer sa sœur qui vient de mourir, placée dans la position de pion par sa famille qui ne veut pas perdre son avantage au sein de la demeure de son futur époux (il faut qu'elle maintienne l'alliance entre les deux familles et protège les intérêts de son neveu, dont la place et l'héritage sont menacés par les concubines qui subissent elles aussi la pression de leurs propres familles), elle tente tout d'abord de fuir ce mariage, ce qui est déjà très courageux. Hélas sa mère est mystérieusement assassinée au moment où elle souhaite mettre son projet à exécution. Comme elle soupçonne la maisonnée de son futur époux, accepter ce mariage semble être la bonne solution pour s'introduire dans cette famille et mener son enquête. Elle ne cherche pas à se faire remarquer, bien qu'occupant la position d'épouse légitime elle ne tient pas à gérer les questions domestiques alors que c'est traditionnellement le rôle qui lui revient, car plus on lui fout la paix, plus elle peut fouiner et recueillir des indices. C'est justement parce qu'elle fait sa life de son côté et se démarque des autres concubines (et de sa défunte épouse) envers lesquelles il a toujours été indifférent, que le héros commence à s'intéresser à elle. A côté de ça, elle fait preuve de jugeotte, sait rapidement analyser une situation et les pièges qui lui sont tendus, parce que c'est une question de survie et que sa condition de fille illégitime l'y a déjà préparée dans sa propre famille. Si elle veut éviter les vagues et se montre relativement respectueuse, elle garde son indépendance d'esprit et ce n'est pas parce qu'elle finit par tomber amoureuse du héros qu'elle va faire des concessions à sa liberté pour lui plaire. C'est vraiment appréciable, pas une seule fois elle ne m'a énervée ou bien je me suis dit qu'elle aurait mieux fait d'agir autrement. Elle n'a tout simplement pas le choix dans certaines situations, et elle tire assez bien son épingle du jeu (ça tombe bien, la broderie c'est son domaine).
Je ne m'étendrai pas sur l'histoire d'amour, moi qui suis très romantique eh bien là, pour le coup, je m'en fiche un peu. Elle est sympa, c'est un ajout agréable à l'histoire et à la base, c'est la raison initiale pour laquelle j'ai regardé ce drama, je suis contente qu'ils soient heureux et tout et tout à la fin (d'autant que les scénaristes savent nous la construire à un rythme relativement lent, logique, et nous montrer l'importance de se faire confiance dans un couple) mais en définitive je me rends compte que ce n'est pas ce qui m'a le plus intéressée, et je me surprends moi-même au moment où je l'écris. Là où je suis encore plus surprise, c'est d'avoir apprécié une histoire où le héros a déjà plusieurs femmes (et un enfant avec l'une d'elles, en plus de son fils légitime). Déjà il n'a pas eu le choix, il s'agit d'alliances politiques ou commerciales, et heureusement le scénario nous le montre assez indifférent à toutes ces manigances, ce qui permet de mettre en place la romance avec l'héroïne sans trop nous mettre mal à l'aise. Bien sûr, au début il peut nous paraître antipathique justement parce que son indifférence peut avoir de graves conséquences pour elles, qui dépendent entièrement de lui pour se frayer une place dans cette maisonnée hostile, et pour lesquelles une miette de son intérêt a une importance cruciale pour leur pouvoir et les rares avantages qu'elles peuvent en tirer (un peu plus de confort, de récompenses de la part de leurs familles si celles-ci sont satisfaites, un meilleur statut au sein de la maison...). Tout cela est très bien montré, et ce que j'ai trouvé appréciable, c'est qu'au contact de l'héroïne (et après avoir vu combien cela pouvait conduire à des situations aussi dramatiques que malsaines), il finit lui-même par s'en rendre compte. Evidemment on se doute bien qu'une partie conséquente des concubines finit par disparaître du paysage comme dans les "Dix petits nègres", sinon la romance principale n'aurait pas le même goût, mais le fait qu'il propose à celle qui reste la possibilité de faire ses propres choix est déjà symbolique.
Au final, la situation desdites concubines est ce qui m'a le plus intéressée, parce que j'ai trouvé qu'ils avaient traité le sujet de manière juste. L'une d'elles est évidemment plus evil bitch que les autres, c'est celle qui pose le plus de problèmes à l'héroïne au cours de l'histoire, mais du début à la fin, même si j'avais très envie qu'elle périsse dans d'atroces souffrances, je ne pouvais m'empêcher d'avoir énormément de compassion pour elle. A aucun moment je n'ai senti que les scénaristes avaient bâclé son personnage. Dès l'instant où elle apparaît, on comprend qu'elle est, elle aussi, victime d'une société qui n'a aucune pitié envers les femmes. C'est une adolescente éperdument amoureuse, qui certes, n'a cessé de faire de mauvais choix, mais honnêtement, que peut-on attendre d'une jeune fille à qui on a appris dès la naissance que le mariage était le but ultime de son existence et qui, par sa condition bien née, aurait dû devenir l'épouse de l'amour de sa vie ? A cause des cruels calculs de la sœur de l'héroïne, qui destine cette dernière à la remplacer après sa mort, cette gamine se retrouve simple concubine et humiliée dès son arrivée. Alors oui, comme je l'ai dit plus haut, certains de ses agissements sont très discutables et contrairement à l'héroïne, elle n'a pas eu l'intelligence de faire les bons choix. En même temps, si les coups bas sont la condition nécessaire à la survie et qu'on place les jeunes filles en situation de compétition dès leur arrivée dans ce bas-monde, faut pas venir se plaindre après qu'elles ne soient pas aussi pures et dociles qu'on le voudrait.
Et ça m'amène à rebondir sur le personnage de la belle-mère qui, à mon sens, n'était pas aussi bien rendu qu'il aurait pu l'être. C'est un peu le seul bémol que je soulignerai, je n'ai pas bien compris pourquoi les scénaristes l'avaient montrée aussi... disons stupide ? Elle n'est pas née de la dernière pluie, elle occupe une position puissante qui plus est, en tant que matriarche à la tête d'une famille composée de nombreuses femmes on va dire que depuis le temps, elle connaît la vie, et je ne comprends pas pourquoi elle s'imagine encore que les concubines peuvent / doivent être douces, obéissantes et dévouées aux autres comme si c'était naturel (ni qu'elle soit aussi déçue en se rendant compte de ses erreurs). Qu'un homme puisse se "laisser avoir" parce que cet aveuglement, volontaire ou non, est trèèès confortable, à la rigueur, ça passe, mais elle est elle-même née femme, elle sait ce que c'est que de devoir naviguer dans ce monde qui n'est pas fait pour son sexe (et elle a sans doute dû mettre de côté pas mal d'aspirations dans sa jeunesse elle aussi), et j'ai du mal à croire qu'elle se soit laissée abuser comme ça, surtout qu'elle est relativement fine sur d'autres questions liées aux relations de pouvoir. Après, il est vrai que son personnage sert à appuyer le propos de l'histoire, en ouvrant enfin les yeux sur les dommages qui découlent des traditions rigides et de ces mariages imposés (et sert aussi à valoriser le héros, quand il s'impose enfin face à elle en refusant tout net de prendre une nouvelle concubine). Bref, son personnage n'était pas tout à fait crédible mais on va dire que son attitude rigide a aussi son utilité dans la progression de l'intrigue, donc ce n'est pas bien grave. Alors bien sûr, on pourrait arguer que les hommes aussi se retrouvent coincés par le poids de ces traditions, mais étant donné que ce sont eux qui ont mis en place ces règles et qu'ils ne sont pas les plus désavantagés (ne serait-ce que parce qu'eux, au moins, ils ont la chance de pouvoir aller et venir à leur guise, et qu'ils ont des meufs à foison à leur service et dans leur lit), je préfère réserver ma compassion aux plus mal loties.
Pour finir sur la condition des femmes, le cas d'une autre sœur de l'héroïne, mariée à un homme violent, permet de montrer un autre aspect des difficultés auxquelles elles sont confrontées. Bien sûr ce n'est pas la première fois que cette situation nous est présentée dans un drama chinois, loin de là, mais c'était intéressant de continuer son intrigue sur le choix qu'elle doit faire après le décès de son époux : adopter un enfant qui n'est pas le sien, ou perdre son influence au sein de la famille de son mari. En somme, même quand certaines ont la chance de se retrouver veuves, leur vie n'en est pas plus simple pour autant... Quant au conflit qui oppose l'épouse légitime du père de l'héroïne et une concubine (encore une), il nous démontre de manière cruelle que peu importe la situation, le statut ou le pouvoir qu'une femme exerce au sein de la maisonnée, aucune n'en sort gagnante. Finalement, celle qui s'en sort le mieux, c'est la professeure de broderie qui a eu le bon sens de ne jamais se marier !
Enfin, ce qui m'a également semblé appréciable, c'est que les intrigues de cour auxquelles le héros doit faire face sont relativement limitées : il y a un trio de grands méchants facilement indentifiables (le père, son fils et sa belle-fille), et tout tourne autour du conflit entre la famille du héros et celle de l'ennemi, ainsi que de l'abolition ou non d'une loi ancestrale concernant une interdiction maritime ayant des conséquences sur le piratage et les conditions de vie des populations côtières durant la dynastie Ming. Cet unique fil conducteur aux questions politiques fait qu'on n'est pas perdu, on ne passe pas des heures à se demander qui soutient qui et qui manigance quoi dans quel but, le nombre de conseillers qui discutent entre eux est restreint, à tel point qu'on ne verra jamais la figure de l'empereur, qui n'est finalement pas très important dans l'histoire sauf pour le pouvoir qu'il représente.
Ah si, j'oubliais, il y a quand même un autre point qui m'a (légèrement) agacée : pourquoi faut-il toujours qu'à un moment crucial où un perso se fait injustement accuser, celui-ci soit incapable de se dépêcher de balancer la phrase qui pourrait tout arranger et qui prend à peine 5 secondes à prononcer très vite, alors même que l'accusateur lui laisse largement le temps de s'expliquer avant de répondre "tais-toi, je ne veux pas entendre tes explications !". C'est dingue, on nous refait le coup à chaque fois, et ça dure, et on se dit que là ça y est, l'accusé va pouvoir se justifier, et rebelote, on lui laisse encore du temps, et paf ! un nouveau silence inutile... Du coup ça prend encore un épisode pour rien avant que la situation se règle, alors oui je sais que ça permet de faire durer le suspense et de mettre en place d'autres éléments qui font avancer l'intrigue, mais bon c'est rageant quoi... Mais sinon, on va dire que tout le reste de la série rattrape ce moment frustrant. Je suis partiale, j'assume.
En conclusion, c'est une histoire que j'ai vraiment aimée, qui brosse un portrait relativement juste de la condition des femmes et des ravages causés par le maintien de certains codes ou de traditions qui ne sont pas toujours adaptées et certainement pas propices au bonheur, doublée de deux romances plutôt sympathiques (oui parce qu'une des servantes de l'héroïne - comme d'hab - se prend d'affection pour le second du héros, c'est peut-être convenu mais toujours agréable). Les coups bas et les complots sont légions, toutefois ils s'enchaînent à un rythme qui ne nous laisse pas le temps de nous ennuyer. Alors pour être tout à fait honnête, si l'actrice principale incarne un personnage courageux, indépendant et attachant, qui ne m'a jamais fait grincer des dents, en revanche Wallace Chung était quand même plus charismatique dans "General and I" (bon à sa décharge son rôle était un peu fade, la faute aux scénaristes ? C'est peut-être pour ça que leur romance ne m'a pas fait vibrer plus que ça...). Au final, ce drama ne se distingue pas forcément d'un autre par son originalité, parce que de nombreux éléments de l'intrigue sont loin d'être nouveaux pour les habitués des historiques chinois, mais son point fort à mes yeux repose surtout sur la manière dont le sujet a été traité. Et si on cherche une histoire pleine de couleurs qui nous dépayse le temps d'une quarantaine d'épisodes, autant opter pour celle-ci, elle a le mérite d'être intelligemment construite.
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